Ma thèse qui s’inscrit dans une approche sociohistorique du politique, met au jour les soubassements historiques des dynamiques contemporaines de l’espace public et du pouvoir politique au Cameroun. J’ai examiné les critères d’accès aux institutions « modernes », en partant du postulat selon lequel, la marginalisation politique des Camerounaises, prend racine dans les logiques qui ont sous-tendu l’élaboration de ces institutions. A cet effet, j’ai interrogé la narration dominante sur l’ère des décolonisations, comme celle relative à l’espace politique camerounais contemporain.
Dans le cas d’espèce, élaborer une histoire genrée du politique revenait à mettre en lumière une réalité sous étudiée, dans les travaux relatif à l’histoire politique du Cameroun, et même de l’Afrique; à savoir que, les logiques racistes et élitistes qui caractérisent la citoyenneté capacitaire élaborée au lendemain de la Seconde guerre mondiale, sont traversées par des représentations sexistes. Celles-ci excluent alors de la citoyenneté électorale, la quasi-totalité des Africaines. Exclues du corps politique par les mesures coloniales, ces femmes le sont également par l’historiographie dominante, qui ignore, ou minore, les mobilisations politiques importantes qu’elles ont menées à cette période. Pourtant, elles ont laissé des traces, comme en témoigne les nombreuses archives que j’ai pu consulter.
Ces sources m’ont permis d’écrire une histoire des mouvements sociaux féminins au Cameroun, au tournant des années 1950-1960. Elle rend compte des mobilisations menées par : l’Union des Femmes Camerounaises (UFC), une association créée en 1952, qui inscrit son action dans le cadre de l’Union française, l’Union Démocratique des Femmes Camerounaises (UDEFEC), une organisation féminine nationaliste, ou encore des femmes rurales de l’ouest-Cameroun. Adoptant une approche contestataire plus ou moins explicite (oscillant entre une collaboration affichée avec les autorités coloniales, pour l’UFC, et la contestation de ces dernières pour l’UDEFEC et les femmes rurales de l’ouest), ces Camerounaises remettent en cause l’ordre colonial. La période postcoloniale ne réhabilite pas la participation des femmes aux institutions politiques. Les dynamiques de stratification genrée de l’espace politique persistent, aussi bien durant le règne du régime autoritaire de parti unique (1966- années 1990), qu’après la réinstauration d’un pluralisme politique (à partir des années 1990).
Dans un contexte ou la marginalisation politique des femmes se perpétue dans le temps, éclairer les voi(x)es qu’elles empruntent pour participer à la production de l’ordre social et politique, exige de procéder à une analyse minutieuse de leurs actions, ainsi que des ressources sur lesquelles celles-ci s’appuient. A cet effet, la notion d’agentivité (agency) s’est avérée utile pour saisir de manière empirique, les modalités plurielles mises en œuvre par ces femmes, pour participer à la vie collective. Elle m’a notamment permis de restituer l’activité politique des femmes proches de l’élite dirigeante, au tournant des années 1960-1970, comme celle des militantes politiques proche du régime actuel (au pouvoir depuis 1982). Dans un contexte où l’ordre politique repose sur une disqualification de la participation des femmes, les premières élaborent un espace public féminin qui relaie les normes dominantes, tout en étendant le champ d’action des femmes. Les secondes, tout en justifiant leur engagement dans le parti au pouvoir, interrogent les défaillances du pouvoir quant au respect de l’égalité de genre, et à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Ma thèse propose ainsi une relecture critique des catégories/notions telles que la citoyenneté et la participation politique. En m’intéressant aux conditions d’élaborations de ces concepts, comme aux modalités concrètes de leur mise en œuvre, j’ai montré que les logiques de dominations au fondement des institutions politiques « modernes » persistent dans une certaine mesure, par delà la fin de la situation coloniale. Par ailleurs, mon travail a également mis en évidence l’existence de modernités politiques alternatives, au sein de la société coloniale comme postcoloniale camerounaise. Cette perspective est notamment illustrée par les mobilisations violentes des femmes de l’ouest-Cameroun au tournant des années 1950-1960, qui tirent leur légitimité des cadres endogènes de mobilisations, codifiés dans les organisations sociales locales.
Ca donne vraiment envie de lire !
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J’y travaille :-)!
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